Les Survivants

N° 1 des ventes en Norvège, Ingar Johnsrud est la nouvelle voix incontournable du polar scandinave.
Le commissaire Fredrik Beier et son ancienne collègue, Kafa Iqbal, en froid depuis l'affaire Solro, doivent enquêter sur le meurtre d'un homme censé avoir disparu des années plus tôt. Sur le lieu du crime, Kafa retrouve une photo abîmée au dos de laquelle est inscrit, en russe, " Калипсо " : Kalypso. Au même moment, dans les égouts de la ville d'Oslo, des rats se délectent d'un autre cadavre.
Une tragédie lie les deux victimes, mais pour la comprendre, il faut remonter jusqu'à une opération secrète aux conséquences désastreuses, datant de l'Union soviétique...

" Ingar Johnsrud est la nouvelle coqueluche du polar nordique. " Madame Figaro.
" Ingar Johnsrud n'a rien à envier à Camilla Läckberg ou Jussi Adler-Olsen. " Terrafemina.com

1126485953
Les Survivants

N° 1 des ventes en Norvège, Ingar Johnsrud est la nouvelle voix incontournable du polar scandinave.
Le commissaire Fredrik Beier et son ancienne collègue, Kafa Iqbal, en froid depuis l'affaire Solro, doivent enquêter sur le meurtre d'un homme censé avoir disparu des années plus tôt. Sur le lieu du crime, Kafa retrouve une photo abîmée au dos de laquelle est inscrit, en russe, " Калипсо " : Kalypso. Au même moment, dans les égouts de la ville d'Oslo, des rats se délectent d'un autre cadavre.
Une tragédie lie les deux victimes, mais pour la comprendre, il faut remonter jusqu'à une opération secrète aux conséquences désastreuses, datant de l'Union soviétique...

" Ingar Johnsrud est la nouvelle coqueluche du polar nordique. " Madame Figaro.
" Ingar Johnsrud n'a rien à envier à Camilla Läckberg ou Jussi Adler-Olsen. " Terrafemina.com

16.99 In Stock
Les Survivants

Les Survivants

Les Survivants

Les Survivants

eBook

$16.99 

Available on Compatible NOOK devices, the free NOOK App and in My Digital Library.
WANT A NOOK?  Explore Now

Related collections and offers


Overview

N° 1 des ventes en Norvège, Ingar Johnsrud est la nouvelle voix incontournable du polar scandinave.
Le commissaire Fredrik Beier et son ancienne collègue, Kafa Iqbal, en froid depuis l'affaire Solro, doivent enquêter sur le meurtre d'un homme censé avoir disparu des années plus tôt. Sur le lieu du crime, Kafa retrouve une photo abîmée au dos de laquelle est inscrit, en russe, " Калипсо " : Kalypso. Au même moment, dans les égouts de la ville d'Oslo, des rats se délectent d'un autre cadavre.
Une tragédie lie les deux victimes, mais pour la comprendre, il faut remonter jusqu'à une opération secrète aux conséquences désastreuses, datant de l'Union soviétique...

" Ingar Johnsrud est la nouvelle coqueluche du polar nordique. " Madame Figaro.
" Ingar Johnsrud n'a rien à envier à Camilla Läckberg ou Jussi Adler-Olsen. " Terrafemina.com


Product Details

ISBN-13: 9782221202593
Publisher: Groupe Robert laffont
Publication date: 06/08/2017
Sold by: EDITIS - EBKS
Format: eBook
Pages: 517
File size: 3 MB
Language: French

About the Author

Les Adeptes, premier volet d'une trilogie annoncée, qui a été salué pour son sens aiguisé du détail, sa narration riche et innovante. Johnsrud se positionne d'évidence comme l'une des étoiles montantes du crime scandinave. Best-seller en Norvège, à la croisée de Millénium et de la série TV Borgen, Les Adeptes et Opération Kalypso sont parus dans vingt pays. La suite, Les Survivants, est parue en 2017. Il vit avec sa femme et ses trois enfants à Oslo.

Read an Excerpt

Les Survivants

Une enquête du commissaire Fredrik Beier


By Ingar Johnsrud, Hélène Hervieu

Robert Laffont

Copyright © 2016 Ingar Johnsrud
All rights reserved.
ISBN: 978-2-221-20259-3


CHAPTER 1

Oslo, huit ans plus tôt


CHAQUE ÉTÉ, c'est la même chose. Certains jours, une chaleur tropicale s'abat sur le pays, tant et si bien que l'air se met à trembler. Le bitume devient huileux et le tramway fait transpirer les corps, tandis que le Norvégien lambda oublie presque où il habite et maudit la canicule.

L'hiver est la saison où on fait les comptes.

Il faisait si froid que le cuir de sa veste d'uniforme crissa quand Fredrik Beier leva le bras pour frapper à la porte.

Derrière les fenêtres de la maison en bois jaune à Galgeberg – un bâtiment de l'époque où la ville s'appelait encore Kristiania et où le tout-à-l'égout n'existait pas –, de larges rideaux empêchaient les regards indiscrets. De la fumée s'élevait de la cheminée. Les cris s'étaient arrêtés une demi-heure plus tôt, avaient expliqué les voisins.

Des perles de glace fondaient dans la barbe de Fredrik et la monture de ses lunettes était froide sur son nez. Le policier jeta un œil par-dessus son épaule. Son collègue, Andreas Figueras, se tenait derrière lui. Cette maison appartenait aux services sociaux de la ville et les locataires étaient une femme russe et son fils. L'homme qu'ils recherchaient était le père du petit garçon: un pharmacien du nom de Peder Rasmussen.

Un nom tout ce qu'il y avait de plus banal.

Le gamin qui leur ouvrit la porte ne semblait pas avoir l'âge d'aller à l'école, mais Fredrik savait qu'il avait huit ans. En avançant la tête pour scruter le sombre couloir, il sentit un souffle de vapeur chaude sur son visage.

Andreas avait dû entrevoir la silhouette dans la porte entrebâillée, en face de la chambre d'enfant. Il avait dû remarquer le revolver que l'homme avait brandi, et comprendre que les taches sombres sur sa chemise étaient du sang. Que la vapeur provenait de la douche qui coulait dans la salle de bains. Mais Fredrik, lui, ne vit rien. Ses lunettes s'étaient embuées et, lorsqu'il porta les mains à son visage pour les essuyer, un poing massif le saisit par le revers du col et le tira brutalement dans l'entrée. Puis un violent coup de crosse de revolver sur le haut de son crâne le fit tomber à genoux.

Fredrik entendit une porte qu'on claquait, des sons plaintifs et la respiration apeurée du garçon, avant que les murs ne se referment sur lui.


L'humidité s'était déposée le long de sa nuque, à l'endroit où le col de son uniforme le serrait, et coulait jusque dans son dos. Ses pieds étaient trempés dans ses bottes fourrées. Un liquide poisseux lui obstruait la vue. En toussant faiblement, Fredrik chercha à respirer, mais ne fit qu'aspirer le chiffon qui était enfoncé dans sa bouche. Il avait un sac en tissu – cela ressemblait à une taie d'oreiller – sur la tête, ce qui ne faisait que renforcer le sentiment de claustrophobie qui s'était emparé de lui. Il voulut donner des coups de pied, mais ses chevilles étaient attachées ensemble, tout comme ses poignets derrière son dos, avec du gros scotch. Les fibres rugueuses d'un tapis lui picotaient les doigts. Il s'étira, se plia en deux, puis tendit son corps comme un arc; il crut s'évanouir, mais parvint à se ressaisir. Des éclairs rougeoyants tournoyèrent devant ses yeux ... Il devait compter, compter lentement, retenir son souffle, expirer, retenir son souffle, expirer encore. Attendre.

La crosse avait dû l'atteindre assez profondément, car il avait encore des élancements au niveau de la racine des cheveux. Maintenant qu'il ne bougeait plus, la douleur se fit plus vive, mais l'étau autour de son crâne se desserra. Ses poumons se remplirent d'air et il contrôla de nouveau sa respiration, ainsi que son esprit. Les battements de son cœur ralentirent.

Fredrik tendit l'oreille. Un gai fredonnement et le bruit d'un jet de douche sur l'acier émaillé. Il reconnut l'air de la chanson. Celle du matelot Popeye.

« I'm Popeye the Sailor Man, I'm Popeye the Sailor Man. Hmm mmm mmm hmm. I'm Popeye the Sailor Man. Tut tut! »

Il comprit qu'il gisait dans l'entrée, tandis que son agresseur s'affairait dans la salle de bains. Ses poignets étaient collants. Il frissonna. Saignaitil? Puis ça lui revint. Quand il s'était débattu, au moment où l'homme avait voulu l'attacher, il avait bandé tous ses muscles, et à présent qu'ils étaient relâchés, le scotch s'était un peu détendu. La vapeur avait également dû réagir avec la colle, qui s'était amollie et devenait ainsi plus maniable. Prudemment, il commença à frotter ses poignets l'un contre l'autre.

— Papa? Je crois qu'ils arrivent.

La voix claire venait de l'autre bout du couloir. Le petit garçon devait se tenir près de la porte d'entrée.

Tut tut! gronda la voix d'homme. Rapplique par ici.

Fredrik entendit des pas approcher et il fut relevé en position assise. L'homme planta ses pieds de chaque côté de ses jambes, lui enleva la taie d'oreiller, et Fredrik dut se concentrer pour discerner quelque chose à travers le sang qui couvrait ses lunettes.

Nom de Dieu.

Le pharmacien Peder Rasmussen était plus âgé que lui et tout en muscles, de son cou de taureau jusqu'à ses larges épaules. Il avait retiré sa chemise, et sa poitrine était constellée de taches de sang. Il s'assit à califourchon sur les cuisses de Fredrik. Des cheveux noirs, plaqués avec du gel, et des yeux qui louchaient. Sa lèvre inférieure saignait, comme s'il avait mordu trop fort dedans. D'une main, il agrippa le col de chemise de Fredrik et, de l'autre, son revolver.

Le policier avait le dos tourné à la porte d'entrée, mais il devina que les choses bougeaient derrière les rideaux tirés, car les yeux de Rasmussen papillonnèrent.

— Je lui explose la tête, à ce bâtard! cria-t-il. Si vous vous approchez seulement de la porte, je lui explose la cervelle!

Le canon contre la tempe. Un relent de sueur, d'haleine pesante et de menthe. Pour la première fois, l'homme à la poitrine nue croisa son regard. Fredrik chercha à distinguer dans les yeux de Peder Rasmussen l'intellectuel qu'il prétendait être. Mais il n'en trouva aucune trace. Rien que la folie.

Du bout de sa langue, Rasmussen lécha la goutte de sang qui coulait sur son menton, comme pour en sentir le goût, puis il lâcha à l'intention de Fredrik:

— Je plaisante pas. Je vais t'exploser la cervelle sur tes putains de gonzesses s'ils foutent pas le camp.

— Papa ... ses mains ...

— Peder Rasmussen! appela une voix à l'extérieur. Peder Rasmussen!

Un dixième de seconde d'hésitation. C'était maintenant ou jamais. Dieu seul savait ce qui passerait par la tête de ce cinglé quand il comprendrait que Fredrik avait les mains libres. Fredrik recula soudainement la tête tout en saisissant de toutes ses forces la main de l'homme qui tenait le revolver. Le coup partit et la balle s'enfonça dans le mur, tandis que Fredrik balançait l'arme loin d'eux. Il empoigna alors la tête du dément et l'attira vers lui.

— Maintenant! hurla-t-il à ses collègues. Il est désarmé. Venez maintenant!

Le front de l'homme heurta le nez de Fredrik. Celui-ci sentit l'arête craquer, mais tint bon. Puis il roua de coups de poing les oreilles du forcené, enserra son larynx, mordit dans sa chair.

Le fracas de la porte, défoncée avec un bélier, lui parut lointain. Mais pas la voix. Pas la voix ténue et apeurée du petit garçon.

— Arrêtez, sinon je tire.

La bouffée d'air ne venait pas du dehors. Elle venait de devant. Fredrik desserra son étreinte autour de la gorge de Peder Rasmussen. La bouche s'ouvrit. La tête bascula en arrière dans un râle ensanglanté. Le monstre à moitié couché sur lui avait les yeux grands ouverts.

Le petit garçon vacillait entre eux et l'entrée, les jambes serrées l'une contre l'autre, les bras levés. Ses mains livides et tremblantes se cramponnaient à la crosse du revolver. Juste derrière la porte se tenaient trois policiers de la brigade d'intervention. Vêtus de noir, masqués, en position de tir. Andreas était là aussi, son gilet pare-balles faisant gonfler sa veste d'uniforme.

— On arrête, dit un des hommes d'un ton incroyablement posé.

— On s'en va, mon garçon. Ne tire pas. Calme-toi. On ne vous fera pas de mal.

Après s'être précipités à l'intérieur, les policiers reculaient à présent, doucement, en faisant le moins de bruit possible.

— Tire sur ces salauds! Tire! hurla Peder Rasmussen, un cri dans lequel la salive et la bile se mêlaient à la folie.

— Non ..., murmura Fredrik.

— Papa ...

— Tire!

CHAPTER 2

Aujourd'hui


AVEC L'AUTOMNE VIENT LA PLUIE, avec la pluie vient le vent, et avec le vent viennent les feuilles mortes.

Pourtant, le pauvre bougre ne s'arrêtait pas. Il continuait à ratisser entre les tombes, enfonçant les dents du râteau dans le sol et ramassant des brassées de feuilles à pleines mains avant de les jeter dans le sac-poubelle qu'il traînait avec lui.

— Pathétique, marmonna l'homme qui s'appelait Mikael Morenius en l'observant.

Son mégot crépita en touchant le bitume. Mikael l'écrasa et constata, non sans un certain agacement, que l'humidité avait traversé la semelle de ses chaussures en cuir.

La démarche de celui qui traversait le parking derrière lui, ramassée, un peu traînante, fut interrompue par une violente quinte de toux. Mikael se tourna vers le nouvel arrivant. C'était un homme corpulent d'un certain âge, appuyé contre le toit d'une voiture – une Fiat bleue en mauvais état –, qui crachait des glaires dans un mouchoir. Mikael attendit qu'il eût terminé de se racler la gorge pour s'approcher et lui tendre son bras artificiel.

L'homme le dévisagea, puis serra sa main de plastique. Ils s'assirent tous les deux dans sa BMW d'un blanc immaculé.

Tschourt, soupira le vieil homme d'une voix rauque en tenant le mouchoir devant son nez, tandis qu'il cherchait à baisser sa vitre. Ça pue, ici.

Son accent russe était à couper au couteau.

— Je fume dans la voiture, dit Mikael.

— C'est pas ça qui me dérange.

— Alors, ça doit être les chatons.

Sans allumer le moteur, Mikael tourna la clé de contact de sorte que la vitre puisse être actionnée. Lui-même ne sentait plus grand-chose. Son odorat avait disparu quand les médecins l'avaient amputé de son bras. Personne n'avait pu expliquer le lien de cause à effet.

Le Russe entrouvrit la fenêtre pour laisser passer un filet d'air.

— Une chatte s'est installée dans le moteur pour mettre bas. Et les petits ont cramé dans le bloc moteur, expliqua Mikael.

Le Russe sortit une enveloppe de sa poche intérieure.

— Tenez, dit-il. La preuve que je dis la vérité.

— La preuve, répéta Mikael en prenant l'enveloppe.

Avec sa prothèse, il pressa maladroitement les bords pour en faire sortir le contenu. Du bout des doigts de sa bonne main, il effleura les rubis du collier. Tapota l'ongle contre le cadre doré. LeCœur-de-canard.

Un court moment, ils contemplèrent les nuages qui filaient à l'horizon derrière le pare-brise. Le combat éternel du pauvre bougre solitaire contre l'automne. Avec un hochement de tête, Mikael tendit le téléphone au Russe.

— Elle attend.

Le vieil officier ouvrit la portière et mit un pied dehors. Mikael enfila le bijou. Se redressa sur son siège pour mieux en sentir le poids, le métal froid et les pierres précieuses contre sa poitrine. La chaîne en or qui entourait son cou. Enfin.

Le Russe toussa fortement en se penchant vers l'intérieur de la voiture.

— Donc, ça ne prendra pas trop de temps? demanda-t-il.

Mikael secoua la tête.

— Si ce que vous dites est vrai ... alors vous aurez sauvé de nombreuses vies, dit-il, avant d'ajouter sur un ton plus professionnel: Nous saurons vous témoigner notre reconnaissance.


La voiture blanche s'éloigna et l'homme entre les tombes cessa de ratisser. Il souleva le sac poubelle et vida les feuilles mortes par terre. Puis il y plongea la main pour récupérer l'objet resté au fond. Un piolet à glace. Les gouttes de pluie brillèrent sur l'acier. Tandis qu'il forçait la serrure de la Fiat, il se remémora encore une fois le numéro de la plaque d'immatriculation de la BMW.

CHAPTER 3

ANXIOLYTIQUE. Inquiétant. Rassurant. Fonction respiratoire. État vital.

Le Rikshospital.

Les mots flottaient sur la vitre. Se dessinaient dans la buée avant que les gouttes ne se rejoignent et ne laissent apparaître les cimes des arbres nus contre le ciel charbonneux d'octobre. Le sparadrap qui maintenait le bandage à l'arrière de son crâne bougea un peu quand le commissaire Fredrik Beier tourna la tête en direction du médecin.

— Les analyses de sang montrent la présence d'anxiolytiques et une forte dose d'analgésiques. Et de l'alcool. Beaucoup d'alcool.

Elle se tenait près du lit et avait remonté ses lunettes rectangulaires sur son front. Sans le regarder, elle fit glisser ses doigts aux ongles vernis de rouge le long de son nez, comme pour les replacer, tout en parcourant son dossier médical.

— L'important pour vous, votre thérapeute et vos ... (le médecin hésita, jetant un œil aux deux femmes assises sur des chaises dans la petite chambre d'hôpital) proches, c'est de déterminer la ou les causes d'un tel acte. Et de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour que cela ne se reproduise pas.

Elle se toucha encore l'arête du nez.

— Un peu de documentation. Sur le suicide et la dépression, ajouta-t-elle en déposant quelques brochures sur la table de chevet.

Puis elle se retira.

Fredrik avait entendu dire que les patients du Rikshospital avaient le droit de choisir eux-mêmes les œuvres d'art qu'ils voulaient avoir aux murs. Il se demandait donc qui avait occupé la chambre avant lui pour avoir choisi un tableau représentant deux clowns souriants en équilibre sur un fil au-dessus d'une autoroute. En tout cas, quelqu'un qui avait visiblement plus de problèmes que lui. Il fit une blague à ce sujet, mais le ton manquait de conviction.

La femme assise sous la fameuse croûte ne sembla pas trouver ça drôle. Bettina, sa compagne, qui tortillait un bout de fil dépassant de sa manche. Elle le regarda sans sourire et tira sur son cardigan tricoté, comme si elle avait froid. Ses cheveux noirs tombaient devant ses yeux.

L'autre femme rompit le silence. Alice, son ex-femme. C'était devant son appartement que les ambulanciers l'avaient ramassé, dans la Stolmakergata à Grünerløkka, après qu'il eut ingéré des doses massives de médicaments et d'alcool. Là où elle habitait avec son nouveau mari, Erik.

— Oui ..., dit-elle sans joie. Qu'est-ce qui s'est passé, Fredrik? Andreas m'a dit que tu avais l'air tout à fait bien quand vous vous êtes quittés. Est-ce que ... (la voix d'Alice s'adoucit) ... est-ce que c'est encore à cause de Frikk?

Fredrik et Alice avaient eu trois enfants ensemble, Jacob et Sofia, aujourd'hui adolescents, et le troisième, Frikk, mort dans un incendie treize ans plus tôt. Même si le temps avait passé et que Fredrik ne se réveillait plus le matin avec le cœur glacé, le chagrin, lui, était toujours là. Toujours présent.

Que s'était-il passé au juste ce soir-là, deux jours plus tôt? Il ne s'en souvenait pas. Ou, plus exactement, il ne se souvenait que d'une chose: Andreas et lui venaient de boucler une enquête pour maltraitance d'enfant. Une de plus, dans la longue série des violences familiales qui étaient devenues leur lot quotidien à la section de la police d'Oslo chargée de la répression des violences et crimes sexuels. Une fois n'est pas coutume, ils avaient quitté la préfecture de police le cœur lourd. Ils étaient sortis manger un morceau et boire une bière, et après ... après, tout se mélangeait. Une cacophonie de sons, de sirènes, une fatigue incommensurable, et de la colère. Du bruit. Fredrik ne parvenait plus à distinguer les mots, les sentiments, ni même l'ambiance. Il n'était revenu à lui qu'en voyant les lettres se dessiner sur la vitre, dans la chambre de l'hôpital.

— Qu'as-tu dit aux enfants?

Alice resserra sa queue de cheval. Comme elles étaient différentes, Alice et Bettina! Sa compagne était aussi brune et menue que son exfemme était blonde et bien en chair. Il en allait de même de leurs caractères. Mais Bettina avait toujours eu dans ses yeux fins une lueur qui suscitait son désir, tandis qu'Alice était plus ... digne d'être aimée.

— Rien pour l'instant, répondit Alice. J'appellerai Sofia plus tard dans la journée. Quant à Jacob, il devait donner un concert ce weekend, alors je ne crois pas que Bettina ...

Cette dernière frottait ses mains sèches l'une contre l'autre. Lorsque Sofia avait déménagé à Bergen pour ses études, Jacob, alors âgé de seize ans, avait choisi d'habiter avec son père.

— Non, s'empressa de dire Bettina. Tu lui parleras toi-même.

Elle se leva.

— Il y a une chose que je ne comprends pas, reprit-elle. Pourquoi tu vas t'écrouler dans la rue juste devant chez elle? (Elle désigna Alice du doigt.) Tu te prends pour un Indien mourant, c'est ça?

— Tu préférerais que je meure devant chez nous? répliqua Fredrik.

— Oui, lâcha Bettina.


(Continues...)

Excerpted from Les Survivants by Ingar Johnsrud, Hélène Hervieu. Copyright © 2016 Ingar Johnsrud. Excerpted by permission of Robert Laffont.
All rights reserved. No part of this excerpt may be reproduced or reprinted without permission in writing from the publisher.
Excerpts are provided by Dial-A-Book Inc. solely for the personal use of visitors to this web site.

From the B&N Reads Blog

Customer Reviews